«  Les Français sont en train d’imploser sous une pression trop forte, un mal-vivre ensemble dans la vie de tous les jours et au travail ». Olivier Besancenot ? Bernard Thibault ? Jean-Luc Mélenchon ? Non : Jean-Paul Delevoye lorsqu’il a remis, il y a quelques semaines, son dernier rapport de Médiateur de la République. Un notable de haut niveau : aujourd’hui président du Conseil économique, social et environnemental, hier président de l’Association des maires de France. Un des piliers de la droite classique : maire, député, sénateur, ministre. Voilà l’homme qui a tiré le signal d’alarme de la manière la plus claire, la plus vigoureuse, la plus authentique qui soit.

« Dépression collective

Son poste d’observation est au cœur des tensions de la société : le Médiateur de la République, ses équipes et ses correspondants dans chaque département ont traité, en 2010, 79 046 affaires, dont 46 643 réclamations. L’an dernier, Jean-Paul Delevoye avait déjà rompu avec les propos convenus : « La société française souffre de dépression collective. Nous avons mis en place, pour assurer notre confort, une société d’exclusion et non pas d’inclusion ».

Avant de quitter l’institution créée en 1973 pour régler litiges entre administrations et citoyens, il récidive : « Les gens ne croient plus au destin collectif de la France. Ils croient au bonheur individuel. Les ressorts citoyens sont usés par les comportements politiciens. (…) On construit sur le sable des émotions plus que sur le ciment des convictions. (…) On a tendance à caresser le bas instinct des peuples. Quand on n’a plus le champ des espérances, on exploite le champ des peurs et des humiliations. (…) Politiquement, cela peut mal tourner. L’histoire a montré que le ressentiment et la peur nourrissent le populisme ».

« Les chiffres ruinent l’aspect humain »

 Jean-Paul Delevoye constate que « la société française souffre d’une « crise du regard » et d’un système de vie où les rapports humains se dégradent.(…) Les chiffres ruinent l’aspect humain. (…) Les Français demandent qu’on les écoute. »

Et à l’adresse de tous les responsables politiques, il ajoute : « L’autorité, pour être acceptée, ne pourra se fonder sur la justification d’un titre ou d’une élection mais reposera sur la dimension morale de celui ou celle qui l’exerce. » Chapeau, Monsieur Delevoye.